5.
le prince et l’enchanteresse
Le jour de ses vingt-deux ans, Katil décida qu’il était temps pour elle de faire sa propre vie. Ses petits frères étaient maintenant suffisamment âgés pour aider leur père à la ferme. Contrairement à Liam, Carlo et Cléman adoraient le travail de la terre. Bien sûr, Katil aimait sa vie de famille, mais elle ne se voyait pas y finir ses jours. Elle avait beaucoup réfléchi à la contribution qu’elle désirait apporter à la société et aux nombreux talents qu’elle possédait. Etant donné qu’elle n’avait aucune envie de mettre des enfants au monde avant d’avoir vécu un peu, la jeune femme envisagea une profession qui lui permettrait d’aiguiser tous ses dons.
Même si elle avait secondé Mali et s’était occupée des élèves du château pendant quelque temps, et bien qu’elle ait aidé sa mère à élever ses frères, Katil avait rapidement compris que l’enseignement requérait une patience qui lui faisait défaut. Il lui fallait regarder ailleurs. Heureusement, la guerre était terminée depuis plusieurs années, alors personne ne lui en voudrait de ne pas considérer une carrière militaire.
« Je suis douce, compréhensive, attentive et je sais reconnaître les plantes médicinales », récapitula-t-elle. « Je possède aussi de grands pouvoirs magiques dont je ne me suis jamais vantée, mais dont mon père se doute depuis longtemps, » Elle se demanda de quelle façon elle pourrait utiliser intelligemment ses aptitudes afin d’aider les autres tout en éprouvant la plus grande satisfaction personnelle. « Il n’y a qu’une alternative, finalement », comprit-elle. « Je serai guérisseuse ou magicienne. » Il n’allait pas être facile de l’annoncer à sa mère, car peu importe la voie qu’elle choisirait, il lui faudrait quitter le nid.
Avant même de penser à partir, Katil devait toutefois s’assurer que quelqu’un protège ses deux amis qui vivaient sous la grange. Pourrait-elle les confier à ses frères ? Carlo était un petit garçon de onze ans plutôt terre à terre, probablement parce qu’il ne possédait aucune faculté surnaturelle. Puisqu’il avait une prédilection pour la chasse, Urulocé et Ramalocé risquaient de se retrouver en brochettes. Cléman était différent. Malgré ses sept ans, il affichait déjà la gentillesse simple et naïve de Jasson. Depuis qu’il avait compris que la magie ne devait être utilisée que pour faire le bien, l’atmosphère était devenue beaucoup plus agréable à la maison.
Alors, un matin, Katil prit Cléman par la main et l’emmena en direction du gros bâtiment en lui promettant une surprise.
— M’as-tu acheté un cheval ? demanda l’enfant.
— Tu en as déjà un, lui rappela Katil. Et d’ailleurs, avec quel argent pourrais-je t’en procurer un autre ?
— C’est quelque chose qui ne coûte rien ?
— L’amitié n’exige aucun paiement.
Cléman n’y comprenait plus rien. Comment sa sœur pouvait-elle lui offrir un présent sans avoir dépensé un seul Onyx d’or ? Au lieu d’entrer dans la grange, elle lui en fit faire le tour, ajoutant à sa consternation, puis lorsqu’elle le fit asseoir devant un buisson qui recouvrait une partie des fondations, à l’arrière, il crut qu’elle se payait sa tête. Soudain, un petit animal rouge feu jaillit avec enthousiasme d’un trou qui semblait avoir été creusé par une marmotte. En apercevant le gamin assis près de sa protectrice, Urulocé fit prestement demi-tour et plongea dans sa cachette.
— Qu’est-ce que c’était ? s’exclama Cléman, stupéfait.
— Un dragon.
— Comme celui de Nartrach ?
— Non, pas tout à fait. Il y a plusieurs types de dragons.
— Est-ce qu’il vole ?
— Non.
— Est-ce que c’est un bébé ?
— Pas du tout ! protesta Urulocé en montrant le bout de son nez.
— Il est âgé de plusieurs centaines d’années, ajouta Katil.
— C’est un vieux dragon ? s’étonna Cléman.
— Pas vieux, mais sage, le reprit l’animal.
— Nacarat, le dragon de Nartrach, ne parle pas, lui.
— Voilà donc une qualité que je possède de plus que lui.
Cléman étira le cou pour mieux voir la petite bête qui n’était pas plus grosse qu’un chat.
— Tu peux sortir, Urulocé, l’invita Katil. Mon petit frère ne te fera pas de mal.
— Ce n’est pas celui qui manie la lance comme un champion ? voulut s’assurer le dragon.
— Non, répondit lui-même l’enfant. Je n’aime pas les armes.
Non seulement Urulocé accepta de s’approcher lentement du jeune étranger, mais il fut suivi d’un deuxième dragon, tout bleu celui-là !
— Combien y en a-t-il ? s’étonna Cléman.
— Nous ne sommes que deux, répondit Ramalocé dont la voix était un peu plus aiguë.
— Ils n’ont certes pas la taille formidable de Nacarat, expliqua Katil à son petit frère, mais ils sont magiques. Ils peuvent faire apparaître tout ce dont ils ont envie.
— Sauf notre mère, précisa Ramalocé.
— Vous n’avez plus de parents ? se désola Cléman.
Les dragons hochèrent négativement la tête en même temps.
— C’est pour cette raison que je prends soin d’eux, ajouta la grande sœur. Personne ne doit être mis au courant de leur présence ici. Mais puisque je dois bientôt aller étudier au château, ils auront besoin d’un nouveau protecteur.
— Moi ?
— Lui ? firent les bêtes inquiètes.
— Ne vous fiez pas à sa taille. Tout comme vous, il se débrouille très bien avec ses pouvoirs surnaturels. Venez. Nous allons lui montrer où vous aimez jouer.
— Ils jouent ? se réjouit Cléman.
— Ils ont besoin de courir, de folâtrer dans le ruisseau et de se faire chauffer au soleil.
Les dragons prirent les devants, car ils connaissaient le chemin, mais ils firent bien attention de rester dans l’herbe haute, pour ne pas être aperçus par les autres humains qui travaillaient à la ferme de Jasson.
— C’est comme avoir un chien, en somme, raisonna l’enfant.
— A mon avis, c’est beaucoup mieux, puisqu’ils parlent, précisa Katil. Lorsqu’ils ont fini de s’amuser, ils viennent se coucher près de moi et ils me racontent des histoires extraordinaires.
— Depuis combien de temps vivent-ils dans la grange ?
— Tu n’étais pas encore né lorsque je les ai amenés ici.
Les dragons sautèrent dans l’eau sans la moindre crainte.
— Tu pourras même nager avec eux, si tu veux.
— Est-ce qu’ils mordent ?
— Non. Quand ils ont peur, ils préfèrent se cacher.
Ils s’installèrent sur le tronc d’arbre préféré de Katil. Celle-ci raconta à son frère tout ce qu’elle savait sur les Sentinelles de la Montagne de Cristal, puis elle lui fit ses recommandations sur la nourriture qu’il pouvait leur offrir, leur grand besoin d’air frais et l’importance de garder le secret.
— Mais surtout, il te faudra les protéger des prédateurs et des humains qui pourraient te les voler pour les vendre à de riches marchands.
— Et de Carlo.
— Surtout de lui. Il n’aime pas autant les animaux que toi.
Katil vit alors que les dragons étaient sortis de l’eau et qu’ils s’approchaient en traînant leur queue sur le sol.
— Que se passe-t-il ? s’inquiéta-t-elle.
— Pars-tu pour toujours ? hoqueta Urulocé.
— Non, je ne crois pas, les rassura Katil, mais je ne sais pas combien de temps requerront mes études. Surtout, ne craignez rien, si un jour Cléman ne pouvait plus prendre soin de vous, je viendrais vous chercher. Je vous en fais la promesse.
— Plus rien ne sera pareil sans toi, se désola Urulocé.
— Mais lui, il n’a pas encore entendu toutes nos histoires, tenta de le réconforter Ramalocé. On ne savait plus quoi inventer.
— Je suis certaine que vous vous entendrez bien, tous les trois.
Pour que Cléman commence à s’habituer à ses nouveaux amis, Katil les laissa ensemble. Elle ne possédait pas beaucoup d’effets personnels, mais il fallait tout de même les rassembler dans sa grande besace. A mi-chemin entre le ruisseau et la grange, elle tomba sur son père. Immobile, les mains sur les hanches, il la regarda approcher en plissant les yeux. « Ce n’est pas bon signe », se troubla Katil.
— Depuis combien de temps vivent-ils sous le bâtiment ? demanda-t-il, lorsque sa fille s’arrêta finalement devant lui.
— Depuis la fin de la guerre. Comment l’as-tu su ?
— Mais je sais tout ce qui se passe sur mon domaine, belle enfant. Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ?
— J’avais peur de ta réaction.
— Mais tu me connais mieux que ça, voyons, Katil.
— Tu n’étais plus le même après la mort de ton ami Wellan. Et puis, je ne voulais pas t’embêter avec mes jeux d’enfant.
— Posséder un animal n’est pas un jeu d’enfant, ma chérie. C’est une très grande responsabilité. Inutile de te dire à quel point je suis fier de toi. Ces bêtes semblent vraiment heureuses.
— J’ai fait ce que j’ai pu, mais je suis loin d’être une experte en dragon. Je t’en prie, ne laisse pas Carlo leur faire un mauvais parti.
— Tu peux compter sur moi.
Jasson la raccompagna à la maison. A l’inverse de son époux, Sanya s’angoissa lorsque sa cadette lui annonça qu’elle partait pour aller étudier au château et commença à faire ses bagages.
— Contrairement à Liam, je reviendrai de temps à autre, affirma-t-elle en accrochant le sac à son épaule. Il est important que je devienne une adulte indépendante, maintenant.
— Surtout, ne réponds pas aux avances des hommes, l’exhorta sa mère.
— Belle comme elle est, je serais surpris qu’elle laisse les jeunes gens du château indifférents, lâcha Jasson.
— Elle n’y va pas pour trouver un prétendant.
— Ne vous querellez pas pour si peu, les arrêta Katil. Je ne me marierai jamais.
L’inquiétude de Sanya redoubla aussitôt, puisqu’elle avait dit la même chose à son père, qui n’avait pas hésité une seconde à la donner à un Chevalier d’Emeraude qui chassait près de leur village !
— Je ne vois pas ce que tu veux étudier, grommela sa mère en la suivant dehors. Tu sais déjà lire, écrire et compter.
— Je veux devenir magicienne.
Jasson et Sanya se figèrent sur place.
— Oubliez tout ce que je vous ai dit lorsque j’étais petite, poursuivit Katil en se mettant en selle. C’est apparemment mon seul talent.
La jeune femme ne put s’empêcher de sourire lorsqu’elle vit l’ébahissement se dessiner sur le visage de ses parents.
— Mais Emeraude a déjà un magicien, bafouilla Sanya. Lorsque tu auras terminé tes études, il est certain qu’ils t’enverront dans un autre royaume…
— Je viens de vous dire que je reviendrai toujours vous rendre visite.
— Personne n’écoute rien dans cette famille, plaisanta Jasson. Fais attention à toi, ma petite fleur.
— Je vais habiter une forteresse, papa. Que pourrait-il m’arriver ?
— Si tu savais, murmura-t-il en se rappelant son enfance.
— Ne laissez pas mes petits frères faire des bêtises, d’accord ?
Katil talonna son cheval et s’éloigna dans l’allée de peupliers qui menait à la maison. Elle se doutait bien que sa mère venait d’éclater en sanglots dans les bras de son père, mais il n’était plus question qu’elle remette sa vie à plus tard. Elle ne pressa nullement sa monture, contemplant les fermes des voisins et leurs grands champs cultivés. Il lui arrivait de rêver au Royaume de Saphir, la nuit. Si sa mère et leur servante avaient tremblé durant presque tout leur séjour dans la Forêt Interdite, Katil avait adoré ses aventures dans la jungle. « Sauf celle de l’alligator », se rappela-t-elle. Elle avait envie que la vie lui apporte de nouveaux défis.
Ses longs cheveux blonds ondulaient dans le vent, et des parfums de fleurs chatouillaient ses narines lorsqu’elle passait devant les jardins. Bientôt le Château d’Emeraude s’éleva à l’horizon, au pied de la majestueuse Montagne de Cristal qu’on pouvait voir peu importe où on se trouvait à Enkidiev. « Pourquoi certains hommes naissent-ils rois et d’autres paysans ? » se demanda-t-elle en s’approchant de plus en plus de la forteresse. Avant l’arrivée au pouvoir du Roi Onyx, le trône avait été obtenu de père en fils. On racontait que ce brillant soldat, fils de meunier, l’avait reçu en cadeau du peuple après qu’il l’eut sauvé d’une invasion d’horribles créatures volantes. « Peut-être m’arrivera-t-il la même chose », songea Katil. « J’aimerais bien me laver dans une baignoire en or. »
Lorsqu’elle atteignit le pont-levis, elle dut laisser passer plusieurs charrettes vides qui quittaient l’enceinte. Elle avait souvent visité cet endroit lorsqu’elle était petite et quand elle y venait avec son père, il la laissait fureter où bon lui semblait. Elle arrêta son cheval devant l’écurie et demanda aux palefreniers s’ils pouvaient le mettre avec les autres, car elle avait un important rendez-vous avec le magicien du château et ne savait pas combien de temps l’entretien durerait. Puis elle se dirigea vers le palais. Il contenait un grand nombre de chambres aussi grandes que la maison de ses parents. « Les gens s’y perdent-ils, parfois ? » se demanda-t-elle.
Elle franchit les grandes portes vertes, qui n’étaient pas encore fermées à cette heure. Avec sa robe de paysanne et sa grosse besace, allait-on la prendre pour une servante ? Elle releva fièrement la tête et demanda à voir maître Hawke. Une jeune femme, qui était certainement plus jeune qu’elle, la conduisit jusqu’à la tour où l’Elfe magicien habitait avec sa famille. Elle insista pour que Katil l’attende dans le couloir et grimpa les marches qui menaient à l’étage. Quelques minutes plus tard, ce fut Hawke lui-même qui les redescendit.
— Que puis-je faire pour toi ? s’enquit-il avec un sourire aimable.
— Je veux devenir votre apprentie.
Sa requête prit le magicien par surprise, car il n’avait affiché nulle part qu’il avait besoin d’assistance.
— Je sais à quoi vous pensez, poursuivit la jeune femme.
— Dans ce cas, dis-le-moi.
— Si cela peut vous rassurer, je ne me suis pas enfuie de chez moi et je n’essaie pas d’échapper à un mari violent. J’ai quitté ma famille afin de devenir une personne importante, grâce à mon seul talent : la magie.
Elle avait saisi les interrogations de l’Elfe avec beaucoup de justesse.
— Mais tu n’as jamais étudié au château, sinon je me souviendrais de toi.
— Je suis Katil, fille de Jasson et de Sanya.
— Sœur de Liam…
— Mais beaucoup plus douée que lui !
— Je sens la même fougue en toi. N’as-tu pas eu envie de devenir Chevalier, comme ton frère, lorsque tu étais petite ?
— Non, Je déteste la guerre.
— Marchons, si tu le veux bien.
Hawke l’emmena dans le jardin intérieur, afin de profiter de sa fraîcheur, et il l’écouta parler de son enfance et de son adolescence. L’épisode dans le temple abandonné le fascina. Avait-elle renforcé ses facultés magiques dans cet endroit regorgeant de pouvoirs ? Katil lui expliqua qu’elle voulait faire son apprentissage à Émeraude, puis offrir ses services à un roi sans magicien.
— Je sais qu’il en reste, affirma-t-elle.
Sa grande détermination convainquit finalement l’Elfe de lui donner sa chance. Il la mit donc à l’épreuve, d’abord avec les forces de la nature, puisqu’ils se trouvaient à l’extérieur. Il s’émerveilla de la voir faire naître autour du jet unique de la fontaine, une multitude de petites gerbes d’eau auxquelles elle fit effectuer un gracieux ballet. Elle tendit ensuite la main et des oiseaux vinrent s’y poser sans la moindre crainte.
— Peux-tu les métamorphoser ? voulut savoir le magicien.
— Ce n’est pas permis, rétorqua-t-elle en les laissant s’envoler. Chaque créature obéit au code invisible de son espèce. Changer un oiseau en souris le désorienterait au point de le tuer, et je ne veux pas causer la mort.
— Bravo.
Toute la journée, il lui imposa des tests de plus en plus difficiles. Rien ne la découragea. Puisqu’il était tard, il l’invita à manger avec sa famille. Elizabelle se déclara heureuse d’avoir une autre femme à table. Elle avait donné naissance à des jumeaux, maintenant âgés de neuf ans, et n’avait jamais pu avoir d’autres enfants. Même si leur père était un Elfe, les garçons ne ressemblaient en rien aux gens de ce peuple. Ils promettaient d’être beaucoup plus costauds que le magicien et leurs cheveux légèrement bouclés étaient de la même couleur que ceux de leur mère.
— Puisque je dois m’acquitter d’une importante mission, commença Hawke, je ne pourrai pas être avec toi tous les jours.
Je te donnerai des ouvrages à lire et des exercices à effectuer en mon absence, et je vérifierai tes progrès plus tard.
— Cela me convient parfaitement, maître Hawke.
Après un repas qui calma son pauvre estomac qui n’avait reçu aucune nourriture depuis le matin, Katil prit congé de ses hôtes. Elle déclara qu’elle dormirait dans l’aile des Chevaliers, Elle longea le couloir qui traversait le palais d’un bout à l’autre et entendit des rires et des verres qui s’entrechoquaient dans le hall du roi. Tout le monde devait s’y trouver, car elle ne rencontra pas âme qui vive jusqu’au grand escalier. « Personne ne m’en voudra d’emprunter quelques ouvrages », songea-t-elle. Elle grimpa à la bibliothèque, dont les livres avaient enfin été indexés par l’ancien Roi Hadrian, et dénicha de petits traités très intéressants sur les potions, les plantes médicinales, les incantations et les envoûtements.
Se croyant encore seule à cet étage, elle sortit de la vaste salle sans regarder où elle allait et fonça droit sur un jeune homme qui, lui, voulait y entrer. Les livres volèrent dans les airs et s’éparpillèrent sur le plancher.
— Je suis vraiment désolé, s’excusa-t-il.
— Ce n’est pas votre faute. J’étais distraite.
Ils se penchèrent pour ramasser les ouvrages anciens et levèrent la tête en même temps pour se regarder. Katil se sentit alors défaillir. Jamais elle n’avait vu d’aussi beaux yeux de toute sa vie. Ils étaient du même bleu que le ciel…
— Arrivez-vous d’un autre royaume ? demanda l’étranger. Je ne vous ai jamais vue au palais avant ce soir.
— Non, je suis Emérienne, assura-t-elle. J’avais l’habitude de venir ici avec mes parents lorsque j’étais plus jeune.
— Cela m’étonne, car je me souviendrais de votre visage.
Les joues rouges de timidité, Katil se leva vivement en pressant ses livres contre sa poitrine.
— Il est dommage que vous connaissiez déjà le château, car je vous l’aurais fait visiter, déplora le jeune homme.
— Je suis certaine qu’il y a des recoins que je n’ai pas encore découverts.
Katil se reprocha aussitôt sa témérité. « Tu ne le connais même pas », constata-t-elle. Comme s’il avait entendu ses pensées, il se présenta.
— Je suis Atlance, pour vous servir. Laissez-moi porter vos livres.
Sans comprendre pourquoi, elle le suivit dans des couloirs qu’elle n’aurait jamais osé explorer d’elle-même. « Pourquoi y a-t-il une étrange lueur blanche autour de sa tête ? » se demanda-t-elle.